Présentation du site "harkis.gouv.fr" et du film "N’en parlons plus"

Mis à jour le 08 juin 2023

Près de 450 invités étaient présents, mercredi 7 juin, à une soirée organisée par la CNIH sur la thématique Harkie, à l'auditorium Ségur des Services de la Première ministre..

  • Evènements

Soirée de présentation du site Internet harkis.gouv.fr et de diffusion du documentaire N’en parlons plus de Cécile Khindria et Vittorio Moroni
© Damien CARLES / SPM

Après un verre d'accueil, la soirée a été ouverte devant plus de 400 personnes, par Jean-Marie Bockel, ancien ministre, président de la Commission nationale indépendante Harkis (CNIH).

Une soirée dédiée aux Harkis et à leurs familles :

  • 2 temps forts ont marqué la soirée :
    • la présentation du site Internet dédié aux Harkis « harkis.gouv.fr »
    • la diffusion du documentaire « N’en parlons plus » de Cécile Khindria et Vittorio Moroni
  • ils furent suivis d'un temps d'échange autour d'un cocktail
Ouverture de la soirée par Jean-Marie Bockel, Président de la CNIH
Ouverture de la soirée par Jean-Marie Bockel, Président de la CNIH© Damien CARLES / SPM

1. Ouverture de la soirée et remerciements

Devant une salle comble, Jean-Marie Bockel a remercié chaleureusement les nombreux élus présents, les personnalités, les journalistes, les soutiens de la première heure et la communauté Harkie dont un grand nombre de présidentes et de présidents d'associations étaient présents.

Il a ensuite remercié tout particulièrement l'ensemble de nos partenaires étatiques ou privés et tout spécialement la Direction des services informatiques et La Netscouade qui ont permis l'aboutissement de ce beau projet de site Internet.

Il a tenu à rendre hommage au travail collaboratif réalisé avec et par nos nombreux contributeurs, soulignant la qualité des échanges et l'intérêt porté à la connaissance et à la reconnaissance des Harkis et de leurs familles.

Il n'a pas oublié bien sûr les membres de la Commission, mettant un accent particulier sur nos historiens.

Remerciements aux participants de la soirée parJean-Marie Bockel, Président de la CNIH
Remerciements aux participants de la soirée parJean-Marie Bockel, Président de la CNIH © Damien CARLES / SPM

2. Présentation du site Internet dédié aux Harkis harkis.gouv.fr

Présentation du site par Marc Del Grande
Présentation du site par Marc Del Grande © Damien CARLES / SPM

Marc Del Grande, préfet,secrétaire général de la Commission nationale indépendante Harkis a ensuite présenté la genèse du site harkis.gouv.fr, de sa conception à sa mise en œuvre.

Présentation du site par Marc Del Grande
Présentation du site par Marc Del Grande © Damien CARLES / SPM

Il a détaillé le fil directeur du site et développé les concepts ayant guidé chacune des grandes thématiques apparaissant sur la page d'accueil.

Présentation du site par Marc Del Grande
Présentation du site par Marc Del Grande © Damien CARLES / SPM

Il a également souligné l'apport indéniable des contributeurs à la réalisation des contenus et à la diversité des points abordés. Une page dédiée a été créée sur le site vous permettant de les identifier facilement et de les suivre.

3. Présentation du documentaire sur le camp de Bias « N’en parlons plus »

Qui sont-ils ?

Journaliste basée à Paris, Cécile Khindria a réalisé des reportages sur divers sujets nationaux et internationaux tels que la menace de la Russie sur l'Europe du Nord, le difficile rétablissement de l'Albanie du communisme ou la légion indienne secrète d'Hitler.
Vittorio Moroni est écrivain, dramaturge, scénariste et réalisateur de courts métrages, de films de fiction et documentaires diffusés en Italie et à l'étranger. Il a été plusieurs fois sélectionné à l'international et a reçu de nombreux prix.

Cécile Khindria et Vittorio Moroni présente leur documentaire « N’en parlons plus »
Cécile Khindria et Vittorio Moroni présente leur documentaire « N’en parlons plus » © Damien CARLES / SPM

Que proposent-ils ?

Ce soir, ils ont proposé de partager avec le public présent à cette soirée "N'en parlons plus", un film documentaire qu'ils ont coréalisé en 2022.
D’une durée de 76 minutes, "N'en parlons plus" a été salué par les critiques en Italie et il a reçu le Prix Spécial du Jury au Torino Film Festival en décembre 2022. Le 3 juin dernier, il a reçu le prix du Public du Festival international du grand reportage d’actualité et du documentaire de société (FIGRA) 2023, dans la catégorie « Autrement vu ».

L'affiche du documentaire « N’en parlons plus » de Cécile Khindria et Vittorio Moroni
Cécile Khindria et Vittorio Moroni présente leur documentaire « N’en parlons plus » © Damien CARLES / SPM

L'histoire :

Lorsque Sarah, trentenaire et jeune mère, décide d'exhumer son passé de petite-fille de Harki pour pouvoir transmettre, dans quelques années, l'histoire de sa famille, son histoire, à sa fille, elle se heurte à un mur.

Le mur de l'oubli dans un premier temps, créé pour fuir ces douloureux souvenirs et faire "semblant" d'avoir changé de vie. Le mur de la honte peut-être aussi vis à vis d'eux-mêmes et de leurs enfants ? Eux qui avaient suivi leur cœur mais que la France a oublié... voire pire encore. Et dont les conséquences de leur choix ont parfois impacté leurs enfants. Sauront-ils, pourront-ils, partager tous ces non-dits ?

Ainsi commence sa quête, direction le camp de Bias, à la recherche du temps perdu...

Cécile et Vittorio déroulent avec pudeur le fil d'événements conduisant Sarah à travers le temps des souvenirs, jusqu'à faire émerger des bribes de vérité.
Parfois cruelle, souvent douloureuse mais partie intégrante de son histoire, Sarah va continuer de dérouler la pelote de la vérité avec humilité et tendresse.

Voir le teaser du film "N'en parlons plus"

"N'en parlons plus" : avec Sarah, sur les traces de son grand-père harki pendant la guerre d’Algérie avec France 24

Youtube - "N'en parlons plus" : avec Sarah, sur les traces de son grand-père harki pendant la guerre d’Algérie

Nouveau numéro de Reporters +, le magazine de reportage long format de France24, nous vous invitons aujourd'hui

à suivre la douloureuse quête de vérité d'une femme sur les origines de sa famille. Lorsque Sarah, âgée de 30 ans,

devient mère, elle décide de briser l'omerta imposée par son père, fils de Harkis. Harkis, c'est ainsi que l'on appelle

les Français originaires d'Algérie qui ont combattu au côté de l'armée française contre l'indépendance de l'Algérie avant 1960.

Après l'indépendance, les Harkis, qui ne sont pas massacrés, s'enfuient en France mais le sort qui leur est réservé, parqués

dans des camps, est tellement scandaleux que la France a longtemps préféré le taire. Le film puissant et mouvant que

nous allons vous présenter témoigne de l'histoire d'une famille Harkis, comme il y en a eu tant d'autres, vous allez le découvrir en ouverture, il a remporté de

très nombreux prix dans les festivals documentaires. C'est sa première diffusion à la télévision, il est signé Cécile

Khindria et Vittorio Moroni. [Musique]

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[Musique]

[Musique]

[Musique]

[Musique]

[Musique]

[Musique]

-Vous en faisiez du henné en Algérie ? - Oui mais c'est pas le henné comme

celui de maintenant. - C'est quoi ? - C'est le vrai, c'est les feuilles. - C'est parce que ça vient d'où le henné ? - Et ben pas chez nous

ça vient des autres villages, pas chez nous. - Mais c'est quoi, c'est les feuilles des arbres que

tu broies ? - Non c'est pas des arbres, c’est comme l’herbe qui pousse par

terre. – Ouais. - Après on coupe les feuilles et on les sèche, mais il y en n’a pas beaucoup chez

nous. On l’achète auprès des Arabes, ils viennent sur le chameau, ils le ramènent, et on l’achète. 

-Ah ouais ? – Oui, nous on paie avec le blé. – Ouais. - On ne donne pas de l'argent, eux ils nous donnent le henné.

Ah mais ça c’était avant la guerre, 

mais après la guerre…  Si j’avais le courage comme à l’époque 

ça va mais maintenant, il ne me reste rien du tout.  Maintenant, j'ai dit au docteur je n’attends que la mort, la

mort, la mort, il m'a dit : « non madame Djafour, ils ont besoin de vous »

j'ai dit : « non non non non » - Mais si, il a raison. – Non…

Il y a quelques mois Marie est née, mon premier

enfant, et avec elle, ont ressurgit certaines questions qui m'empêchent de garder le silence,

celui de mon père, Algérien, fils de

[Musique]

Harkis. Un mot qu'on ne prononce qu'à demi-mot dans ma famille réfugiée en

France dans les années 60, tout comme le mot Bias, le camp où elle

s'est retrouvée internée en arrivant [Musique]

ici. - C'est une nécessité absolue que enfants le sachent. – Qu’ils la découvrent quand

je serai plus là. - non non non non, c'est trop tard, parce qu'ils ont peut-être des

questions à te poser, il faut qu'ils sachent. - Je veux pas leur mettre la haine en fait parce que moi quand on me

raconte que voilà mes parents on leur a fait ça, on leur a fait ça, et tu imagines

à cet âge-là, à 14 ans - Oui bien sûr à 14 ans c'est trop jeune, mais maintenant il faut qu'il sache. - En pleine

adolescence … - La vérité il faut la dire, il faut l'écrire, il faut la dire, il faut que non seulement tes enfants, tes

petits-enfants la connaissent, mais il faut que le monde entier sache comment nous avons été traités. - ça suffit s’il-vous-plait, 

ça suffit. – C’est bon allez mamie elle est fatiguée.

[Musique]

Je suis désolée de rouvrir vos blessures, mais j'ai besoin que vous me rendiez un peu de ce passé, qui est après tout, aussi

le mien. [Musique]

-Il faut tout d'abord rappeler qu'on venait de quitter 6 années de vie infernale en

Algérie, on était loin, loin, loin, loin, d'imaginer après avoir tout perdu, tout

perdu, tout, qu’on allait nous enfermer dans des camps. C’était des camps où on

assistait à des meurtres, à des meurtres à coup de hache, à coup de pistolet, à coup

de…. – Pardon, pardon, j'ai fini, j'ai fini,

merci, désolée. Si je vous raconte tout, tout ce qui m’est arrivée là-bas et ici, en un an je finis

pas. Mais merci à Dieu, il m’a donné le courage et je l’ai remercié des milliards de fois. Mais là 

maintenant, je ne peux pas, je ne peux

pas. -  Pardon mamie, n’en parlons plus.

[Musique]

[Musique]

[Applaudissements]

[Musique]

Je sais peu, presque rien de mon grand-père Amar, il est mort quand j'avais 13

ans. Que lui est-il arrivé en Algérie à la fin de la guerre, lorsque le FLN a

triomphé et que les Français ont désarmé les Harkis, abandonnés à leur

sort ? Que s'est-il passé lorsqu'il s'est réfugié en France ? Pourquoi personne ne veut se

souvenir de Bias ?

Le camp de Bias, l'endroit où les espoirs de ma famille ont été anéantis une

dernière fois.

-Bonjour Dalida, bonjour je me présente je m'appelle Sarah ma famille a vécu dans le camp de Bias et en fait je viens à

la rencontre des gens pour essayer de comprendre un petit peu l'histoire et tout ce qui s'est passé. J'aurais voulu

savoir si on pouvait discuter. – Et oui mais finalement j'ai réfléchi depuis votre appel et je préfère ne pas en

parler. - Bonjour madame, bonjour,  bonjour je m'appelle Sarah

Djafour madame je m'appelle Sarah Djafour… – Qu’est-ce que vous voulez ? - Je

suis la petite… - Qu’est-ce que vous voulez ? - Ben je suis la petite fille de Madame Djafour et je viens je viens… - J’ai dit qu’est-ce que tu veux. – Je viens

rencontrer les gens qui vivent ici un petit peu … je peux pas vous poser quelques

questions ? – Non, non, non, non, à qui j'ai raconté ces choses ?  Rien, rien, même à mes

enfants je raconte pas. 

[Musique] – Qui est là ? 

Qui est là ? 

[Musique]

[Musique]

-Bonjour Mohan, Mohan… - Oui. - Je peux rentrer ? 

-Oui vas-y, c’est qui ? - Je m'appelle Sarah Djafour, je suis la petite fille de

Madame Djafour… - Ah oui je connais. - Je peux m'installer là ? - Ouais vas-y, vas-y, installe-toi

j'arrive. Alors qu'est-ce qui nous vaut cette visite ? - Bah alors, en fait, je viens à la rencontre un petit peu des gens qui ont

vécu ici, puis dans le camp et je crois que tu as beaucoup, beaucoup, de choses à me raconter sur le camp, pour bah, pour en

apprendre un petit peu plus sur ma famille et… - Ah ouais, j'ai connu ta famille, j'ai connu, ils sont partis d'ici en

1975 je crois, 75 ou 76. -76 - 76 ils sont partis d'ici ouais, ouais, ouais, à la

fermeture, soi-disant des camps, mais des camps qui n'ont jamais fermé, puisque j'habite encore tu arrives, tu

me trouvais encore ici .. ouais, ouais. - Parce que toi tu as toujours vécu ici ? - Ben j'ai toujours vécu ici depuis euh…,

depuis le 17 septembre 1963 et quand on est arrivé faisait sombre et tout… - Ici à Bias ?

-Ouais il faisait sombre, il y avait rien, le petit logement qu'on nous avait octroyé il y avait rien mon père est

allé dans, dans un bâtiment qu’il y avait vers le fond là-bas, ils lui ont donné des housses qui fallait remplir de

pailles, il est revenu avec ses pailles et heureusement on avait quelques bougies à la maison parce qu'il y avait

pas d'électricité, donc on a passé la nuit comme ça. Mon père il est venu avec des, des trucs comme ça je lui dis mais

comment on va dormir dessus, il m'a dit quand il va monter ça va s'aplatir donc on a dormi sur ces paillasses et mais

ces paillasses on les a gardé jusqu'en 1968. Le premier truc qui m'avait dérangé

moi, le soir, premier soir on a été accueilli par des punaises, il y avait plein de punaises, il

y en avait… ça grouillait de partout, on était obligé de dormir avec la bougie, il fallait surveiller que la bougie elle

te mette pas le feu à la paille et tout, c'est la misère quoi. Les Harkis ont vécu

des drames un peu partout, mais ici c'était le pire, le camp de Bias, c’était un hôpital psychiatrique à ciel ouvert. - Tu

as des souvenirs toi en Algérie, tu en as beaucoup ? - Ah oui parce que nous…, ouais c'est des souvenirs qui sont durs

parce que il y a eu ma famille [qui] avait été massacrée et tout, alors donc, c'est ouais,

c'est des trucs j'ai pas envie de trop raconter quoi. - D'accord et, et juste, à est-ce que tu sais parce que c'est quelque

chose, moi, qui me, qui m'intrigue, c'est pourquoi ton père, lui, comment ton père il s'est retrouvé avec l'armée

française ? - Non mais justement c'est suite à l'attentat qu'il a eu dans notre village là. – Ouais. - Ils sont venus massacrer ma

famille. - Le FLN est venu, à massacrer ta famille ? - Oui pour rien quoi, ils sont venus, les ont sortis de la mosquée, les

ont égorgés, j'ai des membres de ma famille, mon père on lui a tiré dessus pour rien, donc ils ont autorisé l'armée

française à s'installer là-bas, s'implanter, ils se sont implantés, donc ils ont créé une harka. Rien ne me dit que ce

n'est pas l'armée française qui a envoyé ces, ces gens, qui se disent, qui se disaient du FLN, pour que l'armée

française puisse s'installer dans notre village, peut-être qu'il a fallu cette

manipulation, mais bon tout ça, bon je sais pas trop raconter le truc, parce que bon tu arrives on est en train de taper

le café, j'ai pas toutes mes idées en place. 

Jusqu'à hier j'étais convaincue que toutes ces portes me resteraient fermées, mais grâce à la rencontre avec Mohand,

elle commence doucement à

s'entrouvrir. - Bonjour Kader. - Bonjour Sarah. – Enchanté. - Bienvenue à toi. - Merci de bien

vouloir me recevoir, bonjour madame. - C'est un plaisir, ben j'ai appris que ta venue

c'était un peu pour partir sur la mémoire de tes grands-parents.. - C'est ça. - Ici au camp de Bias. - Ouais c'est ça.

-Ben écoute. C'est bien franchement c'est, c'est, c'est bien voilà parce que moi

comme je dis, mes enfants ils ont pas ce courage-là, ils acceptent pas qu'on dise que son grand-père c'était un traître, eux ils prennent le mot traître

dans la gueule et, et eux, ils ont pas de répondant alors, alors, ils préfèrent ne

pas en parler et se réfugier derrière « ça concernait mon grand-père ». Vas-y installe-toi là.

-Ça marche. Merci de bien vouloir me recevoir, alors j'ai, j'ai parlé à ma

grand-mère il y a deux-trois jours, elle m'a dit « j'avais une seule amie au camp de Bias, c'était madame Tamazount » - Et ben voilà.

-Donc ma grand-mère Fatma, voilà elle vous

embrasse. – [madame Tamazount parle arabe] - Tu comprends un petit peu le… ? - Pas trop. -Elle, elle te dit qu'elle,

qu'elle a travaillé beaucoup avec elle dans les champs, qu'elle a un grandit ici puisqu’on était voisins ici.

-C'est des choses dans la famille, on parle pas beaucoup hein, moi je sais que mon père, je pense qu'il a occulté beaucoup

de choses pour, pour, pour avancer. - Et oui je pense que ton papa, il t'a pas,

peut-être, qu'il te l'a pas transmis comme il voudrait te la transmettre parce qu'elle était, ce qu'on a subi

c'est, c'est quelque chose de, de tellement, tellement violent quoi, et

c'est dur à expliquer, c'est sûr que moi j'ai déjà du mal à l'expliquer à mes enfants il y avait des, des meurtres

en direct, il y avait des enfants qui subissaient des traumatismes, déjà c'est

un traumatisme d'être interné dans un camp, et en plus on subissait des choses à

l'âge de, allez 6-7 ans, moi j'ai encore mémoire de bagarre se terminer, oui, avec

une balle dans la tête, par exemple, ouais. Mon traumatisme moi, c’est une personne, une dame qui avait été tuée, une nuit, de

33 coups couteau, je crois, ouais une dame. Il s’était acharné le bonhomme sur elle,

elle avait été assassinée la nuit, le matin on avait compris que 33 coup de couteau, 33 coup de couteau, de mémoire j'étais

gamin. Ils ont laissé pratiquement un bâtiment entier de personnes déséquilibrées,

psychismes complètement, limite pourquoi il y avait des meurtres ? Ils savaient que ces

gens-là, ils étaient capables de te tuer, c'était des gens atteint de pédophilie,

c'était des violeurs, c'était des gens malades, qui avaient tout pour commettre

ces faits, et on les a laissé là au milieu d'enfants. Les gens pourquoi ils se sont

armés ? Mon père, la seule chose qu'il avait c'était de mettre son fusil, de le

charger le soir, de le mettre à côté de son lit, oh.

[radio] : Bias n’est pas n'est pas un village comme les autres, Bias n'est pas en Algérie mais en

Lot-et-Garonne, là vivent des Harkis que la France a recueillis, ils ont fondé une

véritable communauté qui ressemble étrangement à celle qu'ils ont quittés.

[Musique]

-Ton père et le mien sont venus en même temps, les Djafour on est venu en 68. - Ouais - On est passé par le château de Lascaux,

dans le Gard et on a atterri ici voilà. Tous ces bâtiments si tu veux de là-bas, de derrière la bute, jusqu'au bout,

c'était l'administration comme je t'ai dit, le, le dispensaire médical, les

professeurs, et tout là-bas c'était les écoles, les bâtiments ressemblaient à des bâtiments comme dans les camps de

concentration, l'architecture était exactement la même. Il y avait deux-trois pièces allez ok, pour les familles, tu te

rends compte, les familles qui étaient sept, huit, une dizaine, il y en avait, il y avait quatre ou cinq enfants par piaule. Il y

avait une petite gazinière pour faire à manger, les toilettes étaient dehors, c'était enfin, c'était insalubre, enfin bon

avec les barbelés autour et une surveillance aussi.. - Au portail et tout autour ? - Il

manquait plus que les miradors, ah oui, oui, au portail et tout et puis les lumières hop et puis hop extinction des feux, on

éteignait, même à l'intérieur des maisons. - Et donc avec ton père, tes deux frères, et ta mère ? - Non ma mère elle est restée. - Ta

mère, elle est restée en Algérie ? – Elle m’a abandonnée, elle était pour l'Algérie, elle était pour l'Algérie algérienne, alors c'est ça

en 68, elle est revenue ici en 2004, 37 ans après. - Elle est venue en France. - Elle

est venue en France, le contact a été assez difficile parce que si tu veux elle se rapprochait

beaucoup de moi mais là je pense, je, je parle de quelque chose assez tactile et moi j'ai refusé parce que je lui ai fait

comprendre, après je lui ai parlé, je lui ai fait comprendre que moi c'était plutôt certaines éducatrices qui ont joué le rôle

de, de la maman de substitut on peut dire ça comme ça, mais par contre je lui en voulais

pas, je lui en voulais pas, mais je voulais quand même garder cette distance, parce que mon père en a bavé quand même, quand il est arrivé ici

c'était la désolation totale.

[Musique]

-Ça te plaît de vivre en France ? – Oui. -  Tu aurais pas préféré rester en Algérie ? – Non, non, là c'est mieux. - C'est mieux

en France. – Oui. - Dis-moi pourquoi ? - Parce que là c'est mieux, parce que là-bas le FLN.

-Là-bas tu avais peur du FLN ? – Oui. - Tu te plais ici ?

- Oui. - Tu préfères être ici ou être en Algérie. - En Algérie. – Oui, tu étais à quel

endroit en Algérie. – Kerba. - Pourquoi tu préférais l'Algérie ? - Mon pays

l'Algérie. - Je vais te montrer une photo, pour voir les conditions dans lesquelles ils vivaient, alors c'est qu'une

pièce, mais tu veux, tu vois l'état des murs les, les, des trucs comme ça, tu, tu, tu,

t'en apercevras, tiens regarde je te l'ai sorti exprès, ça c'était la cuisine du

camp de Bias, à l'époque. Alors là c'est ma maman, c'est

ma mère. - D'accord. - Là c'est mon beau-père et ça c'était notre cuisine, à l'époque tu avais rien, on avait droit au niveau

de l'État, du bureau, à une douche par semaine. - Comment ça se passait c'était

quoi, des douches où tout le monde… c'était comme dans les gymnases, tout le monde, tout le monde au même endroit, et puis … - Tout le monde au même endroit,

on se douchait dans ce bâtiment été comme hiver, hein quand tu penses que c'était quand même un hangar imagine

l'hiver, honnêtement c'était vraiment le système militaire fermé, il faut savoir que toute démarche il fallait euh en

référer au bureau, même pour un mariage il fallait demander l'autorisation, euh moi

je me rappelle que j'avais un frère qui habitait, qui habitait à l'extérieur et pour qu'il vienne voir ma mère il

fallait que ma mère demande l'autorisation au bureau. J'avais 15 ans quand j'ai su que j'avais des oncles et

des, des cousins quelque part. Au camp de Bias aucun étranger ne rentrait

euh il y avait aucun étranger qui avait le droit de rentrer. On était entre

nous. – Alors ça y est vous êtes ? – Je suis français. – Vous êtes français, votre

femme aussi ? – Et ma femme - Est-ce que ça veut dire que vous vous ne vous sentez plus Algérien - Non non plus du tout - Plus du tout – Non, je

sens bien que je suis Français pour le moment. Ne plus penser à l'Algérie, être Français, ces phrases-là entendues un peu

partout dans le camp n'était pas un constat bien sûr, seulement un souhait exprimé au présent dans l'espoir qu'il

se réalisera plus vite. Le temps qu'il y faudra c'est le problème actuel des anciens Harkis et c'est aussi notre

problème puisque nous les avons pris en charge.

On va devenir célèbres. On va devenir célèbres ?

Bon on les mets où les mégots ? – Ah bah tu les mets dans ta poche. – Oh bordel de merde

Allez on y va on rentre

Allez on y va on rentre. On est arrivé à Bias je croyais que

j'étais retourné en Algérie. Ma mère elle commencé à dire « Youyou » parce qu'elle était contente et mais moi j'étais pas content

ils nous ont rejeté. Tu prépares un petit café

Iclam. C'est ma fille, celle qui a 14 ans, c'est la dernière. Au camp de Bias j'ai

rencontré Mohamed. J'ai rencontré Ali, Omar et tout bon… - Je n’aurai pas du te rencontrer

Et ben ! On nous met dans des camps. Ils nous ont mis dans des camps comme

Indigènes, pas comme des Français, pas comme des immigrés parce que les immigrés on les a mis dans les HLM et

leurs enfants ils allaient dans l'école républicaine. Nous on n’était même pas considérés comme des des des immigrés on

était indésirables on a été acceptés par force parce que c'est des sous-officiers

qui nous ont ramenés par force parce que Monsieur De Gaulle et son gouvernement ils

nous ont rejetés ils nous ont désarmés il nous a mis le couteau du FLN sous la

gorge et le voilà notre problème. Pourquoi on est on est comme ça ? Pourquoi que… quel est ce mal qui nous ronge, qui

nous ronge ?! Voilà…

[Musique]

[Musique]

Est-ce que vous désirez garder la nationalité française ? - Oui monsieur le juge - Oui monsieur le juge ? - Oui monsieur le juge ?

Oui monsieur le juge ? Et votre femme voulez-vous lui … ?

Oui monsieur le juge 

C'est Ben

Ahmed. C'est un sacré danseur ! Ah il adoré ça ouah mais c'était un sacré record. Ah

il il aimait danser le rock c'est incroyable. Merci !

Beaucoup de de de lot-et-garonnais, je dirais même de Français de Lot-et-Garonne ne savaient pas qu'il y avait

un camp dans le Lot-et-Garonne et ça c'est c'est c'est quelque

chose. On nous a caché on dirait qu'on avait on dirait qu'on avait la peste.

Tous nos parents sont devenus alcooliques. Mon père buvait et beaucoup d'autres - Pour noyer

le chagrin ? - Pour noyer le chagrin pour pour dire mais qu'est-ce que j'ai fait à la France ? Pour mon père il a dû se dire

qu'est-ce que j'ai fait à la France pour être là ? - Et est-ce que, tant qu'on est sur l'Algérie, est-ce que parce que pour moi

ça c'est quelque chose qui est j'ai jamais su, et peut-être que je saurai jamais, hein, mais les

conditions pour lesquelles ou dans lesquelles votre papa ou vos pères

respectifs se sont engagés pour l'armée française ? - Il y a plein de raisons que

que nos parents il y en a qui on a égorgé leurs leurs familles devant eux il y

en a que qui ont on a violé une personne de la famille, tout ça. Plein de choses

comme ça qui ont fait que certaines personnes ont été obligées de s'engager. - Moi j'avais ma grand-mère qui avait cherché

de l'eau dans un puit au chemin du retour il y a les militaires Français qui

l'ont ramenés jusqu' chez elle avec la Jeep. Donc les voisins quand ils ont vu

ça ils en ont déduit que c'était une comment dire… qu’elle collaborait avec eux. Donc le soir ils

sont venus, ils l'ont pendue devant sa maison. Donc quand mon père est arrivé

qu'il a vu sa mère pendue comme ça devant chez elle il allait directement s'engager dans… avec

les Harkis voilà. À savoir que aussi j'ai un

demi-frère, du côté de ma mère, lui il avait 18 ans et demi, 19 ans, et lui il

était FLN voyez comment la guerre d'Algérie est tragique, est tragique. C'est-à-dire que mon

père était Harki et j'ai un frère qui était FLN.

[Musique]

Parmi les images d'archive cela me touche de découvrir les visages de ce que je

rencontre.

[Musique]

Soudain ces visages cessent d'être des archives et deviennent les compagnons d'enfance de mon père, les voisins de ma famille.

[Musique]

À l'époque, mamie avait mon âge, à peine 30 ans. Mon père en avait 8 et autour de

lui ses huit frères et sœurs étaient aussi des

enfants. - Là il y avait l'école. L'école mais c'est l'école entre nous hein ! - Oui oui. - Ouais je vais te dire tu… moi j'allais une

demi-journée à l'école. C'est pas normal que j'aille qu'une demi-journée. - Nous on croyait être dans une cité euh aller à

l'école avec les Français quoi avec les petits français tout ça. Non non non c'était pas ça j'avais pas l'impression

qu'on allait à l'école. Il y avait deux classes alors les niveaux ils savaient plus trop comment les faire. On était avec

celui qui avait 14 ans, celui qui avait qui en avait 7, 8, tout ça mélangé. - On était dans une école fermée qui nous

rendait euh illettrés, irresponsables et elle nous intégrait pas. Donc comment vous

voulez-vous que demain, qu'on devient des gens cultivés et des gens intégrés. - Ce

qui faisait surtout c'est que arrivé à 14, je sais plus si c'est 14 ans, ils

enlevaient le…, il venaient enlever la le le fils le le fils et le mettaient au

centre de Moumour un centre de redressement. C'est même pas un centre une école c'est un centre de

redressement. Et ce ce centre de redressement, même si l'enfant n'avait rien fait… Il y a le

directeur du camp qui est à l'époque Monsieur Boucher, il convoque mes parents vis-à-vis de moi. Il dit à mes parents « vous

savez pourquoi vous êtes là aujourd'hui ». Ils ont dit non. « Voilà votre votre votre enfant

va devoir vous quitter puisque je vais j'ai décidé de le placer dans une dans une structure dans un centre euh parce

qu'il fait trop de bêtises ». Ma maman a réagi tout de suite en lui disant « mais mais pourquoi il mon

fils ne fait rien il n'a rien fait de mal ». Il a et il lui dit « si, il a cassé un

carreau ». Et mon père lui dit non mais il est hors de question mon fils ne partira pas. C'est c'est hors de question ». Il lui

dit bon et, devant le refus de mon père, il a commencé à être menaçant le directeur du camp. Il l'a menacé de beaucoup

de choses pour le faire euh pour que pour qu'il signe.

Et un moment de, un geste de colère, il a tapé sur la sur la table,

et un geste de dépit, il a compris que il sera qu'il était obligé de s'exécuter.

Et et moi, dans la douleur, j'ai j'ai vu que mon père allait céder il a cédé il a

signé le fameux papier pour que je sois emmené dans cette structure. - Beaucoup euh ont

commencé à voir que ce ce directeur du camp nous manipulait, manipulait surtout

les anciens puisque nous on était encore des jeunes adolescents et ils voyaient qu'ils avaient pas leur droit qu'ils

touchaient pas toutes leur pension. Et quand des Harkis se révoltaient ben c'était

directement le centre psychiatrique. - Et il y en a beaucoup qui se sont retrouvés à la Candellie. Alors c'est un centre hospitalier psychiatrique c'était leur

solution, La Candellie. Quand ils arrivaient pas à maintenir une autorité :

Candellie. Une contestation : Candellie. - Une femme on voulait lui enlever ses enfants alors elle

leur a dit « non vous n’allez pas m’enlever mes enfants » et quand ils ont voulu la prendre de force,

elle avait préparé de l'huile je crois ou de l'alcool à brûler. -L'alcool a brûlé. -Et ils ont forcé la porte

et quand ils ont forcé la porte ben elle leur a jeté sur sur le visage des gendarmes et on l’a amené à la Candelli. On l’avait

infiltrée je ne sais pas trop quoi, piquer, avaler je… . Ça revenait soit légume, euh,

soit complètement déglingué quoi. C'est c'est et puis les autres qui restaient sur le camp pour éviter que ça arrive

ces révoltes là et cœtera ils avaient aller se cacher là. - Mon père il s'est rebellé il a été mis à la Candellie. Et ben

il y avait mon frère, qui était le plus grand mon frère Boussad, paix à son âme, il est décédé maintenant, et il nous il nous

racontait qu'il qu'il était en train de de jouer au au foot et il voit cette

ambulance arriver, et des hommes habillés en blanc le prendre, le mettre dans l'ambulance et…

[Musique]

[Musique]

[Musique]

Jusqu'au jour où on a eu l'âge de dire « bon ben ça suffit, nous voulons vivre

autre chose » - Et je leur ai dit ben on va brûler l'école. Pour que, déjà, faire

disparaître cette école qui nous a rendu

analphabètes et en même temps ça nous permettra aux jeunes d'aller à l'école dans les communes avoisinantes.

Je suis rentré dans l'école j'ai mis j'ai vidé le jerricane,

j'avais une boîte d'allumettes, je m'amusais comme ça. J'avais oublié que j'étais dans au

milieu. Tac, tac la première s’est pas allumée la deuxième s’est pas allumée,

La troisième elle a fait Boom. Là j’ai entendu « sors, sors ».

Faadi, il faisait le guet il m’a dit « sors, sors ».

J'étais entouré de flammes en plus

le gaz qui explose. Et puis d'un seul coup je plonge par la

fenêtre et je suis sorti. Et et après

pour sortir du Grillage je n'arrivais pas à trouver le trou. Il y avait le voisin à côté il avait viens voir le chien

commençait à aboyer quand il a entendu « Boom » il a commencé wouh wouh l'autre il sort il dit au feu au feu, Il… . Après à force à force on a

trouvé le trou. On parti… chacun il est rentré chez lui. Bon j'étais brûlé un peu

les mains, j'avais les cheveux brûlés, j'avais les genoux brûlés, il y avait les gendarmes qui sont passés devant chez moi, j'avais les mains dans les poches, je leur ai dit :

« demandez pas de vous serrer la main j'ai pas envie aujourd'hui, je suis en colère, on a brûlé la classe où j'étais à l'école et tout, je suis pas

content » et puis voilà. Et puis après l'école elle a

fermé et jusqu'à présent c'est resté comme

ça. C'est pas facile. - Aissa sort pas trop du sujet. – Hein ? - Ne sort pas trop du

sujet. – J’essaie de les impressionner.

Depuis hier soir 23h, quatre

travailleurs immigrés Algériens sont détenus par une dizaine de jeunes Harkis masqués et armés de fusils de chasse à

canons sciés. - On obéit et comme on sait d'abord il faut obéir dans la vie avant… - Non

justement on ou on a trop obéi ça fait 13 ans qu'on obéi, 13 ans qu'on obéi et c'est normal qu'il faut se réveiller quand

même non ça fait 13 ans qu'on vous obéi. - Les Harkis sont assez ingrats et en

veulent à ceux qui les ont mis dans le pétrin et je m'explique. On leur a fait

croire et on leur a dit qu'ils étaient malheureux dans ce cas. Ceci était

faux. - C'est cette rébellion qui finalement a fait exploser le camp c'est grâce à elle que de nombreuses familles

comme la mienne ont pu partir. D'autres, ont découvert combien il était difficile après 15 ans de vivre en

dehors du camp et beaucoup ne sont jamais partis. - Moi dans la grande ville,

moi je sais pas lire je peux pas moi. J'ai pas habitué moi dans le grande ville jamais je sortais moi.

[Musique]

Ceux qui ont accepté de me parler m'ont donné bien plus que ce que j'attendais. Mais pourtant mes questions n’ont

fait qu’augmenter. Il m’est enfin possible de comprendre l'enfance que mon père a vécu en France

mais quel enfer ma famille avait-elle

fui ? - Coucou comment ça va ? - Comment ça

va et toi ? - Oui ça va je vais la poser là de

l'autre côté. - Elle est contente. Elle est contente est contente de voir comme ça. - Ton

arrière-grand-mère ouais. - Bon vous m'attendiez peut-être. - Oui - On va passer à

table hein. - Ils t'ont puni ils t’ont mis à côté de moi. -Hop là, hop ! Non mets sur le

banc c'est mieux. Bon, ça va ? - Oui et toi ? - Bon mamie tu as

le bonjour de Madame Tamazount. - Merci tout le monde hein au global hein ou

ouais madame c'était des amis et ben quel âge elle a maintenant ? Elle elle doit avoir

le même même pour ça va comme toi. - Il en reste

beaucoup à Bias dans le camp de ce qui était le camp ? - Je pense est-ce que ça se voit

que c'était un camp ou pas ? - Oui oui oui oui. - Maintenant maintenant. – Non, si non, si tu sais pas, c'est juste que les maisons

elles sont quand même enfin c'est pas des maisons c'est un peu lugubre quoi je suis arrivée le premier jour il pleuvait

c'est c'est des maisons elles sont pas isolées elles sont elles sont toutes pareilles. Elles sont pas

hyper. Qu'est-ce que c'est cette vidéo ? - Ça c'est Aissa Gasmi.

Il nous a raconté qu'il avait fait péter l'école que c’était lui qui avait mis le feux à l'école

oui  « - Et moi on s'est ramené à l'école

j'ai vidé la jerricane et j'avais une boîte d’allumette je m'amuse comme ça j'avais oublié que j'étais dans… [Rires].

Et il me dit j’ai entendu « sors sors ». Faadi il était dehors, il faisait le guet. »

C'est des choses qu'il fallait faire en fait. – Bah oui de toute façon fallait tout fallait tout faire

sauter. Qu'est-ce qu'il y a mamie je suis contente avec ce que tu as fait. D'avoir

vu tout le monde écoute moi aussi je suis content vous allez retourner là-bas ils savent bien.

[Musique]

je sens que mon père me respecte pour ce que j'ai fait mais il pense toujours qu'il est inutile d'en parler. Pour lui

le passé appartient au passé. Mamie en revanche m'a dit avant

d'aller se coucher qu'elle était vraiment prête à parler merci pour ton courage mamie j'espère

que cette douleur finira par tous nous aider 

[Musique]

Bon on va commencer ou vous êtes prêts est-ce que je vous pose quelques questions sur l'Algérie, votre enfance.

Commence par mamie. - Bon mamie du coup je vais te poser des questions sur l'Algérie surtout de ce

que tu te rappelles et donc voilà tu tu me dis si tu as pas envie de répondre à certaines choses tu

réponds pas de ce que tu te rappelles tu fais comme tu veux d'accord. – L’Algérie…

l'Algérie on a passé la souffrance de l'enfer mais le Dieu il

est avec nous. Il m'a encouragé.

Vous habitiez où ? C'était c'était où ? - On vivait on vivait en Kabylie dans un petit village à 18 km de Tizi Ouzou, 18, 19km.  

Notre village c’est celui-là et le Djurdjura c’est là-bas. On regarde t’ouvres la porte on regarde Djurjura. - C'est la

montagne. - Ouais c'est la montagne. - C’était un endroit magnifique on avait on avait on avait la la la nature pour nous tout

seul. - On avait on avait l'usine d'été mais couvert avec du chaume et les et

l'arbre de grenadier il était juste derrière donc tu vois les les grenades qui pendaient sur

le le toit de de chaume. C'était très beau ouais, c'était beau

ouais. - Est-ce que tu te tu te, enfin, tu sais pourquoi papi il a choisi de de

s'engager avec l'armée française qu'est-ce qu'il l’a poussé à faire ça et comment ça s'est passé ? - Après ça c'est

c'était une période difficile en fait. - Ma maman elle était farouchement contre mon

papa disait qu'il était obligé et coetera ça je je ce souvenir très précis. Cinq

fois sont venus l'armée me prendre j'ai dit « jamais j'ai je met le pied là-bas

jamais j'ai met le pied à la guerre ». Papi faisait partie des des des des gens du village le les plus riches sans doute donc il

était jalousé par sa propre famille et pas par n'importe qui par sa propre famille dont un de ses cousins qui était

FLN pendant la guerre. Donc ses cousins son oncle et ses cousins voulaient

le tuer pour lui prendre ses terres et Papi s'est engagé dans l'armée française

suite à ça. - Et après papi il m'a dit « si tu viens pas, tu restes pas dans ma maison ». Je n'ai

pas de maison, où est-ce que je vais aller ? Et bien rejoindre papi. Donc là à partir de cette période là

là donc ça a été la fin de la guerre, en 62, cessez-le-feu et à partir de là. -Ah

notre vie a basculé le 22 juillet 1962. - Au crépuscule les gens ils sont devenus fous euh hommes, femmes et enfants. Tout le

monde est devenu fou. - Il y avait des des expéditions punitives de, sous forme de

défilés de de femmes FLN, pro FLN et étudiantes. Beaucoup le le monde qui

bientôt je sais pas qu'est-ce qu'ils ont décidé dans leur tête va faire pour nous

c'était plein des femmes, des drapeaux algériens, l'Algérie aux Algériens, sont venus à la

maison ils ont tout tout ce qu'on avait comme nourriture : la semoule et tout ils

l'ont renversés par terre ils ont mis de l'eau pour qu'on le…ouais. Pour ne pas le récupérer les tapis,

les couvertures, les tapis en lin. - L'autre il est arrivé fils de traître et

coetera et cetera. Il m'a battu avec une extrême violence. Ils attrapaient un par les mains un

par les les bras les pieds ils ils ont tombé

comme ça par terre il a vomi le sang toute la nuit. - Moi une

elle m'a pris dehors en dehors de la porte. Elle m'a pris par-là m’a serré la gorge et

une elle est allée pour étouffer ton père. Elle a pris le coussin pendant qu’il dormait pour l'étouffer. - Il y a ma

grand-mère maternelle qui se recroquevillait dessus pour le protéger donc elle

lui doit la vie et il doit la vie à à ma grand-mère. - Ton père après je me suis dit il avait peur du noir je dis après

est-ce que c'est pendant beaucoup de, pendant longtemps il avait peur de

noir j'ai et - Et Papi il était où pendant ces

là à partir de 62. Il a été mis en prison ? - Non d'abord dans ils ont fait des

travaux forcés d'abord dehors. - Ils nous obligeaient à aller voir nos pères faire des travaux forcés leur geôliers qui leur

tapaient dessus à coup de de crosse de fusil ou de de de gourdin quand ils avaient pas de fusil et on les voyait

tous tous tous tous tous avec d'énormes lèvres blanches parce qu'il leur faisait tous enlever les figues de barbarie avec

la bouche. - Et lui, le pauvre, il a pas voulu me regarder. Il me dit « ma fille je ne veux plus

que tu reviennes me voir ». Je dis «  mais si je reviens te voir ». Il me dit « non ma fille je t'aime

je veux pas que tu reviennes. Je veux pas que tu reviennes me

voir ». - Par ça. Pardon, pardon. - Pardon de

quoi ? - Je t'ai fait pleurer comme ça.

C'est pas toi c'est moi. J'en ai plus que j'aille en

chercher. - Bah nous on savait que c'était pas possible pour nous de rester là donc on a organisé un plan d'évasion après je

l’ai rencontré le mari à ma sœur elle m'a dit « tout de suite tout de suite on va y

aller ». Après j'ai dit « non je peux pas, je peux pas ». Encore j'ai peur je vais

ramener le malheur pour le mari à ma sœur. Elle va condamner qu'on part à cause

de moi. Il m'a dit « je te dis on va on va y aller si tu veux que je te je te

ramène jusqu'en France ». - Et il m’emmène qui voulait pas monter et lui s'est accroché

à sa grand-mère lui dit je reste avec toi et cette

scène. Et elle, elle lui dit je suis vieille je vais mourir tu vas trop trop vite tout

seul il faut que tu pars avec ta mère et tes

frères. Lui non il s'est accroché lui dit « tu viens avec nous je pars ».

Elle lui dit « non moi je peux pas venir je reste je je garde la maison jusqu'à

ce que vous allez revenir ». Ça c'est c'est terrible, elle est morte

un an après. Elle est pas morte de maladie, est morte de chagrin. - Ça y est ça y

est merci merci excusez-moi.

C'est bon mamie c'est fini.

Oui, pour pas

gaspiller [Rires] – Ordilla une fois en Espagne elle m’a engueulée. – Pourquoi ? - Au restaurant

là je lui ai coupé le sopalin et après elle m'a dit « pourquoi tu as fait ça ». J’ai dit « je sais

pas pour économiser ». Tu t’es marrante t’es marrante ça existe pas

ça mais j'ai jamais car je vais rester à cet âge-là avec qu'est-ce qui s'est

passé sur moi. - Mais si mais c'est comme à Bias ça il y en a plein il y a les femmes qui restent toutes seules. – Je sais

il y en a beaucoup encore je sais je sais vous êtes plus résistantes.

Ouais.

[Musique]

Et voilà pour ce document exceptionnel sur ces blessures encore profonde de la guerre d'Algérie plus de 60 ans après

l'indépendance. Merci d'avoir suivi cette émission on se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro de

reporter sur France 24 [Musique]

4. Un temps d'échange autour d'un cocktail

Ils étaient nombreux, venus de toutes les régions, émanation nationale de notre diversité et de nos partenaires.

2023-06-07 : soirée de présentation du site « harkis.gouv.fr » et du documentaire « N’en parlons plus »
2023-06-07 : soirée de présentation du site « harkis.gouv.fr » et du documentaire « N’en parlons plus » © Damien CARLES / SPM
2023-06-07 : soirée de présentation du site « harkis.gouv.fr » et du documentaire « N’en parlons plus »
2023-06-07 : soirée de présentation du site « harkis.gouv.fr » et du documentaire « N’en parlons plus » © Damien CARLES / SPM

Quelques photos des échanges qui allèrent bon train et ce jusque tard dans la soirée

2023-06-07 : soirée de présentation du site « harkis.gouv.fr » et du documentaire « N’en parlons plus »
2023-06-07 : soirée de présentation du site « harkis.gouv.fr » et du documentaire « N’en parlons plus » © Damien CARLES / SPM
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2023-06-07 : soirée de présentation du site « harkis.gouv.fr » et du documentaire « N’en parlons plus » © Damien CARLES / SPM
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2023-06-07 : soirée de présentation du site « harkis.gouv.fr » et du documentaire « N’en parlons plus » © Damien CARLES / SPM
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2023-06-07 : soirée de présentation du site « harkis.gouv.fr » et du documentaire « N’en parlons plus » © Damien CARLES / SPM
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2023-06-07 : soirée de présentation du site « harkis.gouv.fr » et du documentaire « N’en parlons plus » © Damien CARLES / SPM
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2023-06-07 : soirée de présentation du site « harkis.gouv.fr » et du documentaire « N’en parlons plus » © Damien CARLES / SPM

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