Fiche film "Papa est mort" de Farid HAROUD

Mis à jour le 28 novembre 2025

En octobre 2016, Khélifa Haroud, père du réalisateur Farid Haroud, meurt. Alors qu’il devrait pouvoir s’abandonner au chagrin et commencer son deuil, Farid se retrouve happé par une autre réalité...

  • Commission

Khélifa Haroud et son fils Farid • ©AMDA Production/France Télévision

En octobre 2016, Khélifa Haroud, père du réalisateur Farid Haroud, meurt. Alors qu’il devrait pouvoir s’abandonner au chagrin et commencer son deuil, Farid se retrouve happé par une autre réalité : l’avalanche de démarches administratives qui accompagne la disparition d’un proche.

Neuf ans plus tard, il reprend la caméra pour reconstruire ce « parcours de la mort » et en faire une œuvre documentaire. 

« C’est fou ce que la mort engendre comme formalités. »

Farid Haroud @veridik.fr


Papa est mort mélange témoignages, images réelles et séquences d’animation. Produit par Guillaume Blanc, avec la participation de France Télévisions, le film explore de manière sensible ce que signifie perdre un parent. Un chemin du deuil à la fois profondément singulier, celui de Farid, et aussi universel : celui de chacun de nous. Car lorsque la mort survient, il n’y a pas que le chagrin, il y a l’urgence de répondre, de choisir, de signer...

Ce qui distingue ce film, c’est la manière dont il documente le processus de la mort avec précision et honnêteté : protocoles médicaux, annonces, thanatopraxie, obsèques, notariat, etc. Farid Haroud ne se limite pas au point de vue de la famille endeuillée : il traverse également les coulisses de ceux dont le métier est d’accompagner la mort. Le film réunit ainsi des interviews de médecins qui annoncent le décès, de graveurs de tombes, d’agents funéraires, et de notaires. Tous dévoilent leur manière d’appréhender la disparition des autres, de faire face à la douleur des familles, et d’exercer leur métier dans ces contextes délicats. Cette plongée dans les métiers de la mort pose la question : comment continue-t-on à faire son travail quand on est chaque jour confronté au chagrin des autres ?

Mais Papa est mort n’est pas qu’un film sur les procédures. C’est aussi un film sur le vide, sur ce qui reste quand tout est passé : l’enterrement, les rendez-vous, les signatures, sur ce que le deuil exige de nous, et sur ce qu’il emporte.

« Alors j’écris un Adieu aux disparus, et je le lis aux survivants. À chaque fois une mort nous réunit, et à chaque fois c’est une partie de moi qui s’en va. »

Farid Haroud


En filmant ce chemin escarpé qui mène de la mort à la reconstruction, Farid Haroud signe une œuvre profondément nécessaire. Elle dit la vérité de ce que signifie perdre un proche dans un contexte où, souvent, le temps manque pour se recueillir, comprendre, respirer.

Papa est mort de Farid HAROUD

Youtube - Papa est mort

Ah! Ah! Ah!
[Musique]
Mon père a toujours eu la main verte, un don pour faire pousser les belles choses, les plantes, les espoirs et
aussi nous sa famille. [Musique]
Mon regret le plus profond est de ne plus pouvoir partager avec lui le thé à la menthe qui accompagnaient nos discussions,
parce qu'il faut bien l'admettre. Papa est mort.
[Musique]
Quand papa est mort, j'ai emprunté une caméra sans trop savoir pourquoi. Je
voulais surtout garder une trace de ces premiers instants vécus sans lui. Son abricotier, planté dans très peu de
terre, presque à même le béton, devait désormais, comme moi, pousser sans l'homme à la main verte.
J'aurais bien aimé arrêter les heures, les jours, mais j'ai été comme emporté par un tourbillon.
Juste après le décès, je me suis désigné volontaire pour les démarches administratives et franchement gérer la
mort, c'est pas une vie. J'ai découvert un monde, son
vocabulaire, ses règles absurdes parfois. Tout est allé si vite, trop
vite.
Neuf ans se sont écoulés et j'ai décidé de refaire tranquillement le chemin afin de partager mon expérience singulière et
universelle à la fois. Mon parcours finalement, c'est un peu le
parcours de tout le monde.
- Excusez-moi, vous êtes la famille de monsieur Haroud ? - Oui. Oui, c'est nous. - Qu'est-ce qui se passe ? - Je préfère vous
dire, j'ai pas de bonnes nouvelles. Ses artères sont complètement obturées. Je pense que c'est pas utile de le faire
souffrir davantage. - Bien sûr que non. - Naturellement non.
- Comment on s'y prend pour annoncer la mort ?
- La mort, vous dites ce mot-là, il est intéressant parce qu’il est souvent
difficile à prononcer tel quel. On utilise des périphrases ou d'autres mots, il est décédé.
Donc comme quoi même pour le médecin, c'est.. il est pas si facile à prononcer. Non, il y a pas d'enseignement sur
l'annonce d'un décès. On considère que c'est un apprentissage qui se fait sur le terrain par le compagnonnage avec des
pairs, avec des anciens. Euh il y a pas de cours là-dessus. On a
conscience qu'on vient annoncer quelque chose de brutal à une famille.
Il y a l'enjeu que c'est l'amorce d'un deuil. Voilà, ça vient rajouter un petit peu de pression au médecin qui
se dit que non seulement il est l’oiseau de mauvaise augure, mais en plus que les mots qu'il va utiliser vont conditionner
la suite.
Pour nous, la suite a pris une tournure peu commune. J'avais déjà prévenu et rameuté tout le
reste de la famille lorsque survint le coup de théâtre. - Je ne sais pas trop comment, mais voilà.
Au moment de retirer tout le dispositif, on s'est aperçu qu'il vivait encore. - Quoi ? - Il a ouvert les yeux. Il nous a aussi
parlé. Vous pourrez même aller le voir. - Et alors, il va pouvoir rentrer quand à la maison du coup ?
- Jamais en fait. C'est juste un sursaut. - Il en a pour combien de temps ?
- Un jour ou plus. Quelques heures certainement.
- Euh bon, il a dû se sentir oui sans doute bien bête de de de d'avoir annoncé
quelque chose de manière active mais, mais, je pense que ça illustre voilà ce souci de bien faire. Quand j'en discute
avec des collègues, personne n'aime tellement ce moment-là.
Alors rapidement il se ram…, il se rappelle à l'ordre de lui-même en disant mais c'est pas moi le
plus malheureux là c'est, c'est la famille. Donc on se reprend, on se raccroche à des habitudes,
c'est-à-dire donner des éléments médicaux, euh des éléments d'éclairage
euh rationnel sur les causes de la mort, ce
qui a conduit au décès. Et voilà, tout ça, tout ça se bouscule sans doute
en fraction de seconde dans la tête avec voilà un souci de s'appliquer.
Après une demi-journée de sursis, la peine nous a englouti. 13 octobre 2016, 4h du matin,
rideau. Nous avons laissé les soignants faire leur travail.
- Les familles sont plongées dans un autre monde, une autre réalité là et c'est un choc. Je
pense que la présence de la mort, est pas est anodine en fait, elle est là et on
est tous un peu impressionnés face à la mort. Parfois même on chuchote, parfois même on n’ose même pas parler à haute voix.
Pour nous soignants, c'est la fin d'une histoire avec le patient, la fin de
journées, de semaines d'accompagnement, de mois, parfois d'années d'accompagnement avec lui et il y a une
certaine solennité, une certaine, un certain respect. La toilette déjà c'est une façon de
presque, de lui dire c'est nos derniers moments ensemble. C'est placer le patient dans une position la plus agréable
possible pour que la famille voilà trouve un patient le plus propre, le plus, le mieux placé dans son lit.
On essaie de respecter le patient dans ce qu'il était, dans ce qu'on a connu de lui, dans son histoire. Voilà, comme
s'il était là, parce que son corps est là.
Pour moi, le corps c'était encore papa. Je n'ai même pas eu le temps d'être triste. Moins de 6 heures après
l'annonce du décès, il fallait trouver une place pour le repos de notre père, une place pour l'éternité si possible.
Complètement désemparé et sans aucune notion, je me suis rendu au service funéraire de la mairie afin d'y acheter
un lopin de terre. - Combien de profondeur ? - Ah, parce qu'il y a des tailles
- 1,50 ou 2 m. - Et c'est quoi le mieux ? - Ça dépend.
- Ça dépend de quoi ? - Dans un trou de 1,50, vous ne mettez qu'un seul cercueil. - et de 2 m deux ?
- C'est ça. Vous comprenez vite. Bon, après la taille, vous me direz pour la durée. - Ah, parce qu'il y a des durées ?
J'ai finalement opté pour 30 ans et 2 m de profondeur. Et juste après, ma mère
m'a affirmé qu'elle était contre l'idée de partager une tombe, même avec son époux.
Ce jour-là, ma mère et ma sœur aînée avaient décidé de choisir le futur monument funéraire.
- Mon père, il aime bien être ce qu'on a fait pour mon frère. Il a bien aimé mon père et
j'ai regardé comme ça. - Le seul truc maintenant c'est la couleur hein. Faut que tu… - La couleur comme ça… - Voilà, même couleur. - Et puis la date
de naissance…. Au fond, c'est pratique un cimetière, c'est comme un catalogue à ciel ouvert.
- Donc ça sera ça ?  - Voilà. Ça c'est la stèle. - C'est ce qu'on avait vu avec ma maman.
- Je pense ça vous donne une idée au niveau des proportions parce qu'après on travaille sur l'ordinateur. Donc là
je vous ai fait un premier motif en forme de cœur, après vous me dites oui, vous me dites non mais c'était vraiment voilà pour changer un peu du rameau classique.
- J'aurais tendance à dire que j'aime bien celle-là là en écriture celle de où vous êtes. Ouais j'ai plus de mal avec le rameau.
- Ouais bah après on peut changer hein. - Moi j'aurais bien essayé la 3.
- Ouais. - Euh avec le rameau de la 4. - OK.
- Et si on met le euh, on remet le rameau en dessous de ...
- Oui. Et on met le met en bas. - Et une fois que vous avez le feu vert,
ça prend combien de temps ? - En général, je dis toujours entre deux et trois semaines pour que le monument soit
fini, posé au cimetière. J'ai l'impression des fois les gens ils
veulent pas m'embêter dans le sens où il me disent non on va prendre ça va aller parce qu'ils ont l'impression que si il,
il chipote trop que c'est comme s'ils y prenaient du plaisir quoi. Vous voyez ce que je veux dire ? Je sais
pas comment l'exprimer. Le fait de choisir un beau motif des fois j'ai l'impression qu'ils ont cette sensation de se faire plaisir en
faisant le monument et du coup ils culpabilisent. - D'accord. Ouais. Comme s'ils étaient dans un magasin de vêtements.
- Voilà. Voilà. Ils ont un peu cette impression-là. Et euh
après j'arrive à comprendre mais euh non - Ce qui fait bizarre c'est que par exemple bon moi j'ai un peu de recul mais c'est le nom de mon père quoi.
Ouais donc ça fait quelque chose. - Ouais. Ça c'est bah ça en général euh quand je présente les stèles aux gens c'est ce
qui déclenche tout de suite l'émotion. Bah forcément, forcément, parce que du coup, là c'est concret.
- Ouais. Ouais. 
- Je passe voir ma maman là avec ma frangine., je vais leur soumettre. Donc c'est un peu le jury de The Voice là.
donc, donc, soit elles disent bon bah c'est bon ça va, soit ça pinaille, mais
bon. Nous avons passé une heure à discuter de l'orientation du rameau, de la police de
caractère, des guillemets et je n'ai même pas vu que la date de naissance de mon père n'était pas la bonne.
anniversaire. Joyeux anniversaire.
[Musique] Bon anniversaire
papy. [Musique] [Applaudissements]
- 89 bougies, c’était pas possible. - Ça fait un budget maintenant.
- Mais oui. - Bouge pas il y en a encore d'autres là. - Je
filme. - Les faillances techniques devrait prendre une photo. - Ouais. Et après on les colle.
- Voilà. – Attention, attention.
- Je pense qu'on a la planche. On a la planche. Bravo. J'ai fermé les
yeux. - Bravo. [Musique]
Khélifa Haroud, l'homme à la main verte si vous préférez est mort à Lyon à 40 km de
chez lui. Pour ramener son corps et comme le veut la loi, nous avons fait appel à une
entreprise de pompe funèbre située à quatre pas de sa maison. [Musique]
- Très bien, donc only time donc la musique d'entrée quand tout le monde s'installe. Ok, Les yeux de mon père de
Sardou, ok, et donc Petite Marie, Enya, Now we are Free, et Goldman, Puisque tu pars. Donc vous
avez prévu ensuite après un verre de l'amitié, un verre du souvenir, vous avez un lieu de…, pour vous retrouver
là-bas ou comment ? - Merci. - Je vous en prie. Prenez soin de vous, ramenez-moi la photo et puis
n'hésitez pas à commencer à écrire sur les papillons, peut-être que ça a déjà été fait... - Pour des funérailles, c'est à peu près
10 à 12 personnes qui interviennent. On a un rôle en fait de coordinateur. Au-delà de l'entretien que l'on peut
avoir dans le bureau, les familles nous rappellent. On n’a pas bien compris, vous pouvez nous préciser ? Mais oui, on est
pendant quelques jours le référent ou la référente principale. Parfois, on
prend des… un peu l'énervement, la colère qu'il faut aussi entendre
et puis, puis parfois aussi en effet les familles sont perdues en nous disant qu'est-ce qu'on va faire ? On sait pas,
c'est la première fois. Je vais vous expliquer. [Musique]
À l'époque, ma sœur et mon frère avaient choisi le cercueil de mon père dans cette alcôve.
Puis son corps fut exposé dans le salon à Arum, un nom de fleur pour un jardinier.
[Musique] Je connaissais ces lieux, mais
j'ignorais tout de ce qui se passait à l'arrière du bâtiment.
[Musique]
- Hop là, j'ai mis un cale-tête. - Oui, très bien.
- On se retrouve au bureau. - Ouais, j'arrive. – Allez.
- En vérité, avant j'étais dans le commerce où on me reprochait souvent de tirer une gueule d'enterrement et je me suis demandé dans quelle profession ça pourrait 
être bénéfique. Du coup, voilà, j'ai une sorte de révélation un jour. J'aimerais faire thanatopracteur, je ne connaissais pas ce
mot à cette époque-là, c'était l'embaumement, donc je voulais faire embaumeur.
On va tous y passer, on sera tous un jour dans un bureau de pompe funèbre.
Bon, on va devoir décider est-ce que…, quand le conseiller va vous demander est-ce que vous voulez des soins de conservation, oui ou non ? On va tous y
passer, que ça soit pour ma propre famille ou quand ce sera moi qui serai mort.
Des fois les corps quittent la vie avec des rictus, des grimaces, si on les montraient tels quels aux familles, ça
leur plairait pas du tout, ils y verraient des signes de souffrance ou de peur et le thanatopracteur est là des fois pour
donner une illusion de bien-être, d'apaisement. Ta mission c'est de
faciliter le processus de deuil chez les endeuillés.
Je casse les rigidités cadavériques, savoir que j'assouplie les muscles, donc on fait les jambes, les bras, on masse
aussi le visage. Ensuite, je cherche une artère, souvent la carotide.
J'appareille un dispositif relié à un bocal avec une solution formolée et
d'autres produits chimiques qui va aller dans le système cardiovasculaire,
va pousser les fluides biologiques nécrosants dans une partie du cœur qu'on
va récupérer à ce moment-là avec un tube de ponction.
Quelque chose qu'on ne mesure pas, c'est qu’il faut mettre beaucoup de force et comme en fait, votre esprit il est quand même
face à un être humain, vous y allez trop doucement. Et par exemple pour le scalpel, il faut quand même bien
enfoncer, quand vous cherchez les artères, il faut quand même y aller avec les instruments. Alors que quand on
commence, la première fois où je l’ai fait, j'étais trop délicat, j'avais peur de faire mal.
On y met aucun affect, et je pense que c'est comme ça qu'il faut le faire quand on est en embaumeur en tout cas pour
uniquement une mission, rendre le corps le plus beau possible. Même quand je finis un soin, je ferme la porte et je
fais comme si je rentrais et que j'étais à la place de la famille pour voir l'impression esthétique que cela va pouvoir donner.
Quand vous faites un soin de thanatopraxie, vous réalisez une sorte de tableau parce que c'est la dernière image qui va rester
dans la tête des endeuillés.
- Oui tu croises les doigts. Pour la démonstration, il nous fallait un figurant. 
Wilfried, notre preneur de son, a pu ainsi recevoir les derniers soins de son
vivant. - Donc il faut que je refasse signer le contrat à son fils là où arrive le
courrier, c'est un peu particulier là, j’avoue que la question est un petit peu
technique et d'un coup…, d'un coup j'ai eu un bug.
C'est fou ce que la mort engendre comme formalité.
Ouvrir le cercueil, un papier, le fermer, un autre papier, le transporter, encore
un autre. La paix éternelle, elle prend son temps.
- Attendez.
Le jour des obsèques de mon père, j'ai prononcé un discours.
Il faut toujours que quelqu'un s'y colle. Je ne pensais pas avoir le cran suffisant, mais j'y suis arrivé sans
flancher. Depuis, à chaque funérailles de proche, on me demande de dire quelques mots.
Comment pourrais-je refuser ? Alors, j'écris un adieu aux disparus et je le lis aux survivants.
À chaque fois, une mort nous réunit et à chaque fois, c'est une partie de moi qui s'en va.
Hassen était comme un marin qui avait décidé de prendre la mer sans trop savoir où il allait. Ahmed, c'était
Belmondo, toc, toc, badaboum et puis parfois plus badaboum que toc, toc. Danis, une petite grande dame avec une patate à
faire peur à la pile alcaline. Rien qu'au son de sa voix, j'avais déjà compris.
Fred, fils unique, orphelin de père, avait trouvé dès l'enfance chez les Haroud comme une seconde famille. Et ce
jour-là, au téléphone, il m'a dit « Maman est morte ».
Colette, elle était tout le temps là avec son regard, tout le temps là pour Fred et tout le temps là pour ceux qui
se situaient dans le halo de son fils. Colette est une de ces grandes dames qui
passent leur vie à essayer tranquillement de comprendre les uns les autres sans blablas. Se comprendre, ce
n'est pas qu'une question de langage, mais plutôt de ressenti, de sentiments.
Et je crois que là, on s'est tous bien compris et tous nos sentiments vont vers
Colette.
- J'étais aussi content de, du texte que j'avais écrit pour elle
et je ne concevais pas de,
de lui dire au revoir sans que toi tu fasses un texte.
Tous les dimanches, on avait une cérémonie, c'était de s'appeler. C'est quelque chose que qu'on faisait et à chaque fois, les derniers temps, je me
disais est-ce qu'elle va répondre ? Est-ce que j'aurais sa voix au téléphone ou pas ? Hein, c'est
quelque chose auquel je me préparais. Maman était
dans un, dans un Ehpad les derniers 6 mois de sa vie et elle voulait partir. Donc elle, elle
ne désirait plus vivre parce qu’elle était atteinte d'un, d'un cancer
du sang. Les médecins traitants dans l’Ehpad,
on avait un bon contact et je leur avais dit que c'était important pour moi au moment où
ça arriverait que je sois présent à côté d'elle. Donc ils ont, ils ont pris
contact avec moi et je suis descendu sur place. On a
eu une semaine encore tous les deux, dans les, dans les réunions familiales, on en parle souvent.
Elle nous manque toujours. Mais je pense que ce jour-là,
on l'a célébré en fait. On lui a dit au revoir
et moi j'étais content qu'elle soit, qu'elle soit libérée,
et je pense que je… elle me manque énormément et je commence en fait à le réaliser
maintenant après pratiquement 2 ans.
- Joyeux anniversaire papa joyeux anniversaire papa
[Musique]
- Je vous ai amené ça. Est-ce que vous pouvez la retourner ? - C'est votre papa.
- C'est mon papa. – Ça a l'air d'être une bonne personne mais
très enjoué. - Ouais. Ça vous fait quoi en fait de voir ça ?
-Bah… - Honnêtement, honnêtement. – Honnêtement ? Euh… j'ai appris à dissocier
quand même, qu'en fait, moi je travaille pour vous, en fait je ne travaille pas pour votre papa.
J'essaie de pas me mettre à la place des gens parce que sinon c'est invivable. Bah
voilà, on est confronté aux décès tous les jours du coup. Ouais
Faut être forte parce que c'est pas facile. - Quand justement tout à l'heure je vous ai, je vous ai filmé, vous étiez en train
de peindre. Vous pensez à quoi à ce moment-là ? - Si mon boulot il est bien fait,
c'est ça en fait. Si c'est bien fait. Si j'ai pas oublié un petit coup de peinture quelque part ou je pense
travaille. - Mais il avait une bonne tête. – Ouais,
ouais.
Après la mort de quelqu'un, il y a toujours une administration pour demander des comptes. Alors pour
répondre, on fouille le passé, on fouille les papiers, on reconstitue le roman d'une vie.
Monsieur Khelifa Haroud est né le 15 septembre 1922 dans la commune d'Ayaten en Algérie. Mais à l'époque c'est encore
la France. Orphelin dès l'âge de 12 ans, il devient
ouvrier agricole payé à la journée. À 28 ans, il se marie avec Djida. Ils
auront 10 enfants mais là ils ne le savent pas encore.
Dans la foulée, monsieur Haroud décide de partir régulièrement pour la France pour le boulot. Il se déplace la plupart du
temps à pied et œuvre un peu partout sur le territoire. Il se retrouve même sur le chantier du tunnel du Mont-Blanc.
En 1957, finit les allers-retours, il rentre au bled
où la guerre l'attend. Pendant 4 ans, il vit le conflit sous l'uniforme français en tant que
supplétif, ce qui lui vaut d'être arrêté après l'indépendance de l'Algérie. Il passera 5 ans de sa vie en prison.
Enfin libre, à l'âge de 45 ans, il opte pour un rapatriement vers la France avec
son épouse et ses six enfants. Accueilli dans un camp d'anciens Harkis du sud
de la France, il devient ouvrier forestier pour l'ONF. 4 ans plus tard, la famille Haroud quitte
le camp de Rians dans le Var pour l'Isère direction Vienne.
Pendant une décennie, monsieur Haroud travaille dans une dizaine d'entreprises du bâtiment et termine sa carrière à
l'usine comme OS, ouvrier spécialisé.
À l'âge de 59 ans, il est licencié et poussé vers la préretraite.
Un jour d'automne de l'année 2016, Khelifa Haroud franchit un dernier palier.
Ce jour-là, papa est mort. - Ah, c'est un combattant.
- Oui. - Allô ? - Oui, bonjour madame. - Allô ? - Oui, vous m'entendez ? - Allô ?
- Écoutez-moi ce que j'ai, je comprends pas toujours tout votre jargon hein. On nous demande la fiche descriptive des
infirmités. J’ai pas ça. - Le carnet de soin gratuit. - J'ai pas de carnet de soin gratuit.
- Mais il la percevait bien cette pension militaire ?  - Oui, bien sûr. Oui, oui, ouais. - Ouais. Enfin, vous avez pas retrouvé ça dans
les papiers. - Non, non, non, non, non. - Faites pour le mieux. Bonne journée
- « madame », donc c'est adressé à ma maman, « Afin de donner suite rapidement à votre demande de pension de réversion, nous
vous remercions de nous faire parvenir au plus vite la pièce justificative suivante : certificat ou attestation de
monogamie ». Donc ça à qui on le demande en fait ? - On le demande à toutes les personnes qui sont euh nées dans un pays
où la polygamie est autorisée. - Mais euh mon père, lui, il est né en
1922 en Algérie. Ce qu'il y a, c'est qu'en 1922, l'Algérie c'est la France. En
fait, mes parents se sont mariés en 1949 comme l'Algérie a été française jusqu'en
1962, de facto c'est le droit français. Non, mais vous comprenez ce que je veux dire ? C'est-à-dire quoi… - Je comprends mais je ne peux rien…
- Il est…
- Allô ? - Bonjour madame. Mon père vient de mourir et je souhaite avoir un rendez-vous avec maître Blanchon.
- Toutes mes condoléances. - Merci. - Vous avez de quoi noter ? - Oui.
- Alors c'est parti. Il me faut l'acte de décès, l'original du livret de famille,
la copie des cartes grises de tous ces véhicules. - Il avait pas le permis.  – Hum, le dernier avis du versement de ses
retraites et pensions, les derniers relevés des comptes bancaires, la copie des contrats d'assurance, les titres de
propriété de sa maison, la dernière déclaration de revenu, les avis d'imposition, l'ensemble des factures restant à payer au jour du décès.
- Ah mais ça aussi. - Et vous êtes combien d'héritiers ? - Nous sommes 10. - Alors, chacun d'entre eux doit fournir la copie d'une pièce
d'identité. - Ça fait beaucoup de papiers. Ouais, surtout si vous êtes 10. Bien sûr. Oui, parce qu'en plus, on va demander des
renseignements sur chacun des héritiers : État civil, état matrimonial, contrat de mariage, contrat de pacs, tout un tas de
choses sur les héritiers et sur le défunt et sur son patrimoine.
En fait, après la mort, on sert à accompagner les gens dans toutes les formalités juridiques, fiscales, parfois
administratives. On les écoute, on les aide. Il y a toujours des points d'achoppement
nécessairement. Il y a toujours un moment où les héritiers vont laver un peu de linge sale affectif et donc c'est
le moment de dire "Ah bah il t'a plus aimé que moi, il t'a aidé à ce moment-là, pas moi." Et puis c'est dans
notre ADN de notaire de d'essayer de concilier les gens pour ne pas que une petite cuillère ou une lampe halogène
vienne faire exploser tout le règlement de la succession. En fait, on n’aura plus jamais l'occasion
de s'expliquer avec quelqu'un qui est mort. Donc dire les choses de son vivant,
alors ça peut aller beaucoup plus loin au niveau familial ou philosophique, mais même au niveau patrimonial,
expliquer ce qu'on a, ce qu'on a fait et ce qu'on a prévu, c'est très important.
- Il y avait dû avoir une allocation qui avait été versée à votre papa. - Mais ces allocations, c'est quoi ? – Oui,
alors, c'est apparemment une allocation supplémentaire dont votre papa avait fait la demande et qu'il a touché de de
88 à 94. - Et on, on sait de quel montant on parle ?
- Et ben non, justement en fait il nous demande un état de l'actif et du passif. - Non, mais là en en clair sans décodeur,
il va se passer quoi pour ma maman ? - Et ben, il y aura peut-être des sommes à reverser. - Si c'est un gros montant, faudrait que
ma mère vende sa maison. Peu de temps après cet appel, j'ai
découvert que nous devions rembourser plus de 15 000 € au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l’
ASPA. – L’ASPA, c'est ce qu'on appelait le minimum vieillesse. Donc c'est une
allocation qui est versée par la caisse de retraite principale du défunt. Cette aide, elle va être récupérable sur la
succession. Il faut que la succession en tout cas en métropole soit supérieure à 105 000 €. Autrement dit, euh si le
défunt laisse moins de 105 000 €, il n’y aura pas de récupération. On ne demandera pas aux héritiers de rendre ce qui a pu
être prêté à leurs parents défunts. Donc euh vous, c'est vrai que vous quand même cumulé parce que vous êtes très nombreux. Il y a l’ASPA, il y a la
polygamie, il y a, il y a toutes ces questions-là. Votre notaire, il a dû se casser la tête.
Oui, mais il a dû se casser la tête mais peut-être pas autant que vous.
Papa est mort. J'ai dû prononcer ces mots des dizaines de fois juste après son décès.
Papa est mort et face à moi, les autres entendaient l'écho de leurs proches déjà disparus.
La mort impose le silence. Personne n'en parle, même si elle concerne chacun de nous
sans exception. Au jour du dernier rendez-vous, on
réunit nos tristesses. Parler devient difficile, impossible parfois.
Alors, on délègue. Pour la famille, c'est un instant
unique. Pour moi, c'est la deuxième, la troisième cérémonie de la journée. Mais professionnellement, ça doit être comme
une toute première cérémonie pour moi.
[Applaudissements]
Je demande toujours quelle est la teinte, quelle est l'ambiance que vous souhaitez, comment était-il, comment était-elle, pour vraiment savoir au plus
juste en fait. Et donc là, il y a eu alors bah il ne voulait surtout pas de noir, il fallait de la couleur, donc on
va tous venir en couleur et cetera et donc moi ça me permet de venir avec un pull rose, de venir avec une cravate
rouge, avec un autre costume que le noir traditionnel.
Bien sûr qu'il y a eu des éclats de rire très souvent au moment des témoignages parce qu'il y a une anecdote qui a été
racontée et qui caractérisait tellement la personne qui est décédée. Il y a eu des danses, des personnes qui ont dansé
aussi. On a eu des applaudissements. On a eu vraiment, c'est un lieu neutre où
tout peut être vécu. En fait, tout est possible.
Très souvent, il y a des petits pics dans la cérémonie. Principalement les familles, c'est au moment où les portes
s'ouvrent. À la fin de la cérémonie, quand le cercueil donc va disparaître, la famille, les proches en fait hurlent.
« Non, ne laissez pas partir. Non, laissez-le-moi ».
Le temps s'arrête d'un coup pour nous. Et on doit attendre que vraiment la famille ait ce moment quoi pour eux.
La cérémonie est là pour remettre en lumière en fait, de remettre la vie en disant « Oui, la mort fait partie de la
vie mais continuez à vivre. Vous, vous avez encore du temps ».
Quand je vois que les gens peuvent rire ou alors raviver des souvenirs,
intérieurement, je me dis bah cette cérémonie a permis de faire un pas tout
simplement. Et pour moi, c'est ma satisfaction vraiment personnelle. Ouais.
- Je me souviens du monde, mais c'est je me souviens vraiment, j'étais
étonnée de, il y a des gens qui ne pouvaient pas rentrer en fait. Il y avait tellement de monde. Tellement de monde.
C'est vrai, hein ? Et tu, tu te dis mais
comment, comment il peut avoir tant de monde quoi ? Et tu dis bah finalement
bah tout le monde l'aimait en fait.
- Ça peut paraître étrange, mais j'en garde des bons souvenirs, même si c'est un moment particulier et triste, j'en
garde des bons souvenirs. Ça fait plaisir d'avoir autant de monde, d'amis, de famille qui,
à ce moment-là quoi. - Honnêtement, moi j'ai pas trop trop de souvenirs. Enfin, j'ai… je me, je me
revois arriver en voiture. Je me rappelle voir du monde. Je me rappelle avoir fait un discours. Je m'en rappelle
l'écrire mais je ne réalise pas en fait. - Au moment où tu l'écris ?
- Ouais voilà. Mais même au moment où on le lit, enfin je me rappelle lire et puis pas y arriver. Du coup mon frère
avait pris le relais, mais sur le coup en fait, on, enfin
ouais moi je ne réalisais pas en fait ce qui se passait. - Moi j'étais en état de choc et j'étais portée en fait par
les événements et la situation en fait. Mais j'étais portée mais pour autant je
me rendais vraiment compte. - J'ai jamais dit mon père est mort. -Hum
- Je l'amène d'une autre façon : il est décédé ou il est plus là. - Parce que moi, pour moi c'est dur cette
phrase. - Elle est dure cette phrase ouais. - Elle est tout sauf douce cette phrase.
- Alors entre l'annonce du décès et la cérémonie, j'étais dans le flou sans trop réaliser et une fois que la
cérémonie est passée que c'est fini là j'ai réalisé. Après avoir vu toutes ces personnes entendu tous ces discours euh…
et ont vécu vraiment le moment. C'est là qu'on se dit. Enfin pour moi en tout cas c'est comme ça. C'était bon c'est fini
c'est fini que papa, papa était mort qu'on le reverrait plus. Voilà quoi.
On l'a habillé avec le maillot et la célèbre citation de l’Olympique Lyonnais : « c‘est une formidable raison d'être
heureux ». Donc il avait son maillot dans son cercueil, ouais. Il y a des personnes qui doivent penser
ça étrange, qui doivent avoir…  - C'était lui. - C'est peut-être son maillot préféré.  – Il l'a tellement porté ce
t-shirt, c’est obligatoire. - Je sais pas, il était bien, là, dans ce t-shirt.
Donc voilà pourquoi il serait pas bien pour partir aussi.
- J'avais fait un petit bouquin comme ça. Je sais pas si vous les connaissez ces photos « Il me colle ce mec, alors je bois pour oublier »
- Excellent. - C'est génial. - Oh punaise,
mais c'est tellement lui. Oh putain, c'est lui qui écrit ?
- Ouais. – La tête. - Franchement, ces deux photos, c'est
tellement bien résumé mais vraiment : du foot, de la connerie, de la bouffe.
- C'est bref et tellement efficace, ouais.
[Musique] Du coup, j'ai pris deux heures à faire mon …
[Musique]
Un jour de Noël, alors qu'il était assis en bout de table et qu'il regardait sa famille au grand complet, il m'a glissé
ses mots à l'oreille : « Vous êtes ma richesse ».
Papa ne savait ni lire ni écrire et il m'a sans cesse poussé vers les études.
À l'école de mon quartier, il avait trouvé un allié solide, un ami fidèle.
Monsieur Berton, mon instituteur, fut le premier à croire en moi, en mon écriture. Il a tout déclenché dans ma
vie. Quand il s'est éteint, ce fut comme dire
adieu à un autre père.
- Il fut pour nous et nos familles un élément essentiel. Il nous a fait apprécier l'éducation, la culture, le
respect, la liberté et sûrement la France. La France et le français. Là, je parle de la langue et je me dis que
c'est bien la première fois qu'il ne me mettra pas une note pour cette rédaction. C'était un monsieur Jean.
Monsieur Jean Berton.
- Ouais.
- Papa.
- C'était un bel hommage pour moi. Je sais pas s'il y a de beaux enterrements mais c’était un bel enterrement.
Il est parti avec les mots justes, disons.
- C'est un beau moment mais tu as pas vraiment envie d'être… enfin tu as pas vraiment …, moi j'ai pas vraiment envie de le vivre en fait. C'est… tu viens de
perdre ton père. Alors déjà c'est un gros bouleversement pour enfin… intérieur et après d'avoir une conversation plus
ou moins… - Ouais. - plus ou moins d'aplomb alors que tu es… alors que tu es complètement
défoncé à l'intérieur, tu vois, c'est, c'est super dur de, c'est dur en fait de, de garder une maîtrise, je trouve d..
- En fait, tu subis plus que tu fais quoi que ce soit en fait, tu subis.
- J'ai l'impression que ça a été trop court entre le moment où il est mort et le moment où on a repris nos vies quoi.
Enfin, pour entamer le deuil, il faut plus de temps que… et plus qu'une cérémonie quoi.
- Moi aussi, j'ai rattaqué très vite le boulot parce que je pense c'était le cerveau, c'était un peu dans le déni.
Fallait que je m'occupe, fallait que machin au final, j'aurais peut-être dû prendre deux, trois jours, enfin un peu plus de temps.
Quitte être au fond du saut, mais… -Ouais, je pense que la première année est difficile. Enfin
ouais, ça… - après ça explose d'idée. - Première année quoi. Première année :
toujours les anniversaires, les trucs qui te, qui te rappelle plein de choses. Premier … - Premier Noël.
- Premier Noël. Le premier Noël c'est…
- Je suis content de le voir. Je dis bonjour. Je discute comme un con tout seul.
- Bon ben moi je suis, je suis pas trop cimetière du coup… je viens et puis je lui parle un
petit peu mais je lui parle un peu plus tous les jours. Enfin, pas tous les jours, mais je lui parle plus quand je suis chez moi ou…
donc là, c'est juste un autre endroit où il y a le…  où il y a la pierre, mais
c'est pas un lieu sacralisé, je le ressens plus tous les jours que quand je viens quand je viens ici quoi.
-« Moi si tu veux, j'ai mis des années, des années, à me constituer des valeurs
propres hein. Elles sont peut-être fausses, elles sont peut-être en fait c'est les miennes. Et arrivé à un certain moment,
je me suis dit mes valeurs, je peux plus revenir dessus
parce que si je reviens sur ces valeurs, je me détruis. Maintenant, c'est même pas la peine d'essayer de me faire
changer d'avis, de prendre la tolérance, des trucs comme ça, le respect de l'autre, euh la liberté, la laïcité, des
trucs comme ça. Euh je les ai retournés dans tous les sens et je me suis aperçu que pour moi elles sont incontournables.
Donc j'ai raison, j’ai tort, je n’en sais rien. Mais ce sont mes valeurs, je me suis construit avec tu vivras avec de toute façon, tu mourras avec hein et je mourrai avec maintenant. - J'arrête le supplice. Ça vous fait quoi ? - Moi je le… enfin
je vois très bien son visage, tu sais quand il parlait sérieux et tout…. - Toutes les petites mimiques tu vois tous les
petits, petits trucs, tu les, tu les oublies un petit peu mais après avec le, avec le temps quand tu t'en rappelles c'est,
c'est des petits instants de bonheur qui reviennent, enfant il nous prenait par la nuque comme ça.
- Gamin, gamin – Je te jure…
toujours comme ça, quand il était content il serrait pas dans ses bras il faisait comme
ça.
[Musique]
C'est un grand jour. J'ai rendez-vous quelque part avec lui.
Khélifa Haroud, né en 1922 à Ayaten en Algérie. Deux mètres de haut un mètre cinquante de large.
Jamais papa n'a été aussi grand.
Sous les voûtes de la chapelle de la Trinité à Lyon, drapé dans son éternité, il n'est pas tout seul.
- Le pied du père. 
Ça c'était vraiment le modèle à l'échelle un, les premiers dessins, enfin le premier
dessin, en fait euh avant de me lancer dans la, dans la gravure sur or.
C'est assez troublant aussi de les…, de 20 ans après revoir ces dessins. [Applaudissements]
On est en 2007 et donc à ce moment-là, j'ai eu l'idée de faire ce projet qui s'appellerait « les rescapés » euh où
j'allais prendre quatre modèles
issus de l'immigration, c'est-à-dire des gens invisibles dans notre société mais qui sont constitutifs de notre société.
Je voulais quelqu'un qui vienne d'Afrique noire et je voulais quelqu'un qui vienne d'Extrême- Orient. Je voulais
quelqu'un qui vienne d'un pays de l'Est et quelqu'un qui vienne du Maghreb et ça a été ton père. Euh ça m'intéressait
aussi d'avoir ces grandes gravures en or qui en font des icônes. Donc on reprend
vraiment exactement euh les codes de l'art sacré où on transpose
des gens normaux, c'est-à-dire comme toi et moi
en icône. Et c'est aussi émouvant de se dire que 20 ans après, 10 ans après la
mort de ton père, cette image de lui perdure et elle est gravée dans l'or.
C'était vraiment une histoire très intime parce que le portrait, c'est quand même une chose très intime. C'était d'autant plus intime qu'il est
juste habillé d'une couverture. Donc à un moment il était en slip, il a mis la couverture, enfin voilà, il y avait un rapport très intime et de confiance
entre nous. Donc j'aime, j'aime mon histoire avec lui qui n'est pas ton histoire.
Quand je partageais un thé à la menthe avec papa, ce n'était pas seulement pour déguster une boisson agréable qui nous
rappelait d'où nous venions. C'était une manière de goûter la vie tant qu'il y en avait, de prolonger nos
silences et d'étirer le temps. Je dois l'admettre, papa est mort…,
mais pas complètement. [Musique]
[Musique]
[Musique]
[Musique]
[Musique]

Photo de Farid Haroud @Inconnu

Qui est Farid HAROUD ?

Farid Haroud est un journaliste, auteur-réalisateur de documentaires et écrivain. Il travaille à France 3 depuis 1996 en tant que rédacteur-reporter. Il a réalisé plus de cinq mille reportages pour les journaux télévisés de la chaîne et quinze documentaires pour France télévisions et Canal+.

Titulaire d’une maîtrise en économie des transports, il a suivi plusieurs formations à l’INA et à l’École W-Communication, fiction et journalisme, avant de se consacrer pleinement au journalisme et à la réalisation. Son parcours témoigne d’un engagement constant pour la mise en lumière des récits humains, des mémoires plurielles et des histoires de transmission.

Il est l’auteur de Premiers jours en France publié aux Éditions Autrement en 2005, de À deux carreaux de la marge paru aux Éditions Autrement en 2011, et de Sonia Bompastor, une vie de foot à paraître aux Éditions Arthaud en 2025.

Farid Haroud a également réalisé plusieurs films documentaires parmi lesquels Le mouchoir de mon père produit par Aster Production et France 3 en 2002, et Comme des lionnes produit par Casquette Production, France 3 et Public Sénat en 2023.

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